Monsieur le Premier ministre,
Lors de votre nomination à Matignon, vous avez insisté sur votre goût pour les idées de terrain, celles d'en bas. Je me permets donc de vous écrire, j'habite au rez-de-chaussée.
Depuis plusieurs années, je m'intéresse à la publicité, ce modèle économique dont on a semble-t-il pas encore tout à fait cerné la nature profonde. Nous avons en effet la faiblesse de croire que la publicité est célibataire, alors qu'elle vit en couple avec la fiscalité. J'aimerais attirer votre attention sur ce couple, dans lequel la publicité porte la cagnotte. Comme vous êtes en charge de la fiscalité, forcément, vous vous retrouvez à poil à essayer de boucler votre budget.
Aujourd'hui, la publicité est aspirée par les géants du numérique. Pour répondre à cela, la France a mis en place depuis 2019 une taxe dite « taxe Gafam » [ou « taxe Gafa »]. Votre prédécesseur, Gabriel Attal, s'était même vanté d'un tel fait d'armes, un soir à la télévision. Il se félicitait que la France réagisse devant ces entreprises qui font « des profits considérables en Europe et qui ne payent pas d'impôts en Europe ». Résultat : 700 millions d'euros dans nos caisses.
Avec votre projet de loi de finances pour 2025, vous ne souhaitez pas changer cette taxe. C'est un choix. Gabriel Attal ou Michel Barnier, à Matignon, c'est pareil, la taxe Gafam est de 3 %. Vous la voyez la fuite ? La France taxe à hauteur de 3 % et cela lui rapporte 700 millions d'euros. Ces entreprises d'un genre nouveau prélèvent donc quelque 23 milliards dans notre économie. Et encore un peu plus l'an prochain.
Mais les choses bougent. Le 8 novembre, un vote insolite et rare s'est produit dans l'Hémicycle. Des députés de droite, de gauche et d'extrême droite ont souhaité relever ce taux et le faire passer de 3 % à 5 %. Incroyable, la gauche vote avec le Rassemblement national. C'est vous dire si cette situation transpartisane mérite d'être regardée de plus près. Oui, une majorité à l'Assemblée nationale est donc prête à relever ce taux. Cela posé, à combien pourrions-nous fixer ce taux pour mettre un terme à cette fuite ? Vous avouerez que récupérer un petit milliard quand on en perd 23 laisse un goût amer dans la bouche de n'importe quel responsable budgétaire.